Notre édito de la semaine

Par Francois-Xavier Maigre 

Publié le 16/06/2022 à 09h00

 

 

        Certaines disparitions font l’effet d’un électrochoc. Le suicide d’un prêtre de 50 ans, le père François de Foucauld, laisse un grand vide. Et pas seulement pour ceux qui l’ont connu. Si l’écho de ce drame porte bien au-delà du diocèse de Versailles, c’est peut-être parce qu’il dit quelque chose de la difficulté d’être prêtre aujourd’hui. Des immenses responsabilités qui pèsent sur leurs épaules et de la solitude qui les affecte parfois. Il jette aussi une lumière crue sur la délicate gestion de la gouvernance dans l’Église. Même s’il semble bien difficile de démêler les causes profondes de ce geste: souffrances pastorales, relations hiérarchiques conflictuelles, fragilités intimes... Il ne nous appartient pas de porter un jugement sur cette affaire, tant un suicide demeure toujours mystérieux.

       Et pourtant. Le visage de ce prêtre ne nous quitte pas. À travers lui, nous pensons à tous les autres. Leur engagement sans faille nous semble normal. On en oublie qu’eux aussi ont besoin de nous. Ce n’est pas la première fois, ces dernières années, que l’un d’eux met fin à ses jours. Toujours moins nombreux, les prêtres donnent sans compter, jusqu’à l’épuisement. À la pénurie de vocations s’ajoute un contexte de remise en cause dont on ne mesure pas toujours l’impact. Il ne faudrait pas que la – nécessaire – lutte contre le cléricalisme et les abus de toutes sortes assèche nos relations avec ceux qui ont fait vœu de servir. Face à ce risque, nous avons tous une responsabilité. Le synode en cours n’est pas censé nous diviser mais offrir un lieu d’expérience partagée pour dessiner l’Église de demain, main dans la main.

      J’ai connu un prêtre incroyable, le père Georges. Gamin, il a illuminé l’été de mes 10 ans. C’était mon aumônier scout. Un jour que je lui demandais à quoi l’on reconnaissait un « bon chrétien », il me tendit un dico où je découvris ces mots: « Variété de poire, la plus cultivée au monde. » Il fallait le voir, plié de rire, très fier de sa blague. Il m’a fait comprendre très tôt que la foi ne pouvait être enfermée dans une définition, que chacun devait tracer sa propre route. Cet homme bon, qui avait aussi ses impatiences et ses aspérités, m’a donné confiance en moi. Jeune adulte, apprenant sa disparition précoce des suites d’un infarctus, je me suis rendu compte que je ne lui avais jamais dit merci. Des pères Georges, des pères François, nous en connaissons tous. Prenons soin d’eux !