De la prison au monastère

Lundi 13 février 2012:

9 heures

Départ du centre de détention.

Gino, Pedro, Georges, Mustapha ( dit Mousse ) et Christophe sont de la partie. Pour les accompagner, les pères Philippe et Étienne, Lucien ( délégué pastoral ), Jacques ( notre surveillant ), Bernadette ( aumônier à la Maison d'Arrêt d'Agen ) et Dominique l'aumônier de l'établissement.

Il fait très froid. La neige glacée nous invite à la prudence.

Nous nous rendons en bus jusqu'à Casseneuil. Nous stationnons devant l'église.

Le père Philippe nous explique le cheminement du Bienheureux Marie-Joseph Cassant, à partir du baptistère et du vitrail le surplombant, offert par la famille Cassant elle même.

Nous poursuivons la visite par le maître hôtel et nous nous dirigeons vers la sacristie où nous attendent des paroissiens. Les pères Philippe et Étienne célèbrent l'Eucharistie.

Les routes rendues glissantes nous ayant obligé à modifier quelque peu notre programme, il a été décidé que nous rejoindrons directement l'abbaye Notre Dame du Désert, et que nous y prendrions notre déjeuner de midi.

Si les routes de campagne sont incertaines, l'autoroute lui, nous fait avancer avec assurance. La bonne humeur qui flotte dans l'atmosphère fait l'unité dans notre groupe.

13 heures, nous arrivons avec un peu de retard.

Le père abbé est là pour nous accueillir. Nous nous rendons directement à l'hôtellerie pour prendre le déjeuner.

C'est une nouveauté pour la plus part d'entre nous, le repas est pris en silence. Nous écoutons de la musique pendant le déjeuner.

Nous prenons ensuite possession de nos chambres, toutes individuelles. Les plus pressés font leur lit, les autres se retrouvent dans le couloir pour échanger leur joie et leurs impressions.

14h30, prière de l'après-midi, dans la chapelle d'hiver, l'abbatiale étant trop grande, par économie de chauffage, nous nous regroupons dans une structure plus petite et donc plus facile à chauffer. La prière est presque entièrement chantée, pour le plaisir des pèlerins qui prennent vraiment conscience de la chance qui est la leur.

De suite après, nous retrouvons le frère Robert, qui sera notre guide durant ces deux journées. Il nous propose une petite promenade dans la nature. Le sol est gelé et glissant, mais le plaisir est intense. Nous apercevons même quelques daims que certains auront confondus avec des vaches. La privation de liberté réserve bien des surprises ! Puis le frère nous conduit à la crypte, auprès du tombeau de notre Bienheureux Marie-Joseph. Nous prions tous ensemble et profitons pour confier au père Cassant, nos chères intentions. Frère Robert remet à chacun une image du Bienheureux qu'il avait préalablement déposé sur le tombeau de pierre.

Ensuite, nous remontons au niveau supérieur, où nous sera présentée une exposition sur la vie de Marie-Joseph : « le chemin du bonheur ». Mais là, une très agréable surprise nous attend : alors que nous nous apprêtons à suivre les panneaux relatant le parcours de vie de cet homme hors du commun, le père Jean Marie nous rejoint. Alors commence un échange très fructueux avec les pèlerins. Le thème de la liberté est  abordé avec beaucoup de cœur. Comment des hommes peuvent vivre « enfermés librement » en communauté.

La chambre de l'infirmerie où le père Cassant a vécu ses dernières semaines a été conservée en l'état. Même le parquet est resté d'origine. Ensuite, nous nous rendons à la chapelle de l'infirmerie située juste à côté. Nous empruntons une partie du cloître pour apercevoir par la fenêtre le frère Robert, gratter la neige tombante pour dégager et nous montrer la plaque posée sur la tombe du frère Grégoire dont nous découvrirons le parcours demain.

Quelques uns d'entre nous se sont rendus à la boutique du monastère pour y acheter des cartes postales, des livres pieux ou même des douceurs comestibles tel du chocolat.

17h45 Nous retournons à la chapelle pour la prière du soir, les vêpres. Après ce temps très priant, nous nous rendons dans nos chambres respectives pour faire notre lit. Après le repas pris en silence ( pas facile pour tout le monde ! ), nous nous retrouvons tous dans la salle saint Sernin où nous échangeons nos premières impressions et découvertes avec le support du fascicule remis au début du pèlerinage. Nous avons tous tant de choses à dire que nous avons du mal à nous séparer à 22h30 pour un repos attendu. Le grand air a sur nos pèlerins un effet perturbateur.

Mardi 14 février

4h15. Que s'est-il passé pour Gino ? S'est-il perdu dans les couloirs ? N'arrivait-il pas à dormir ? Le fait est qu'il s'est levé pour prier avec les frères dans la chapelle. Son courage a je crois été récompensé par des chants merveilleux.

7h00, la journée commence par la prière des Laudes sur laquelle s'enchaîne la messe du jour. Surprise : au moment du geste de paix, les frères nous invitent à nous regrouper autour de l'autel et à communier sous les deux espèces.

La nuit nous a apporté une autre surprise : la neige, tombée en abondance depuis 4 heures du matin, continue à couvrir la campagne d'énormes flocons formant déjà une couche d'environ 25 cm. Les pèlerins prennent un sourire malin pour dire : oh, c'est moche, on va devoir prolonger notre séjour, il va être impossible de reprendre la route avec toute cette neige ! Ce ne serait vraiment pas prudent de prendre des risques !

Après le petit déjeuner, nous retrouvons notre guide dans la salle utilisée hier soir, il va nous parler à présent de son défunt ami : frère Grégoire, disparu en 2002. La neige ne cesse de tomber en abondance. La rencontre de ce matin est de tout autre ordre, le frère Grégoire qui a vécu 45 ans au monastère sainte Marie du Désert, a eu un parcours carcéral d'une quinzaine d'années. Sa conversion, au Centre de Détention de Saint Martin de Ré, est pour tous un témoignage très fort. Le frère Robert nous présente aussi un dossier très complet qui retrace au moyen de textes, documents et photos le parcours étonnant de ce frère atypique.

12h15, après la prière de midi ( Sexte ), nous prenons notre dernier déjeuner au réfectoire, de manière plus détendue cette fois, mais tout en respectant le lieu et les personnes présentes. Au moment du café, le père abbé et le frère Robert viennent nous saluer et, chose inattendue, nous remercier de notre visite.

14h. Nous reprenons la route avec une certaine inquiétude quant à l'état des routes secondaires. Le bon Dieu et son fidèle serviteur Marie Joseph Cassant veillant sur les modestes serviteurs que nous sommes, le chemin s'est ouvert devant nous telle la mer des roseaux devant Moïse ( toute proportion gardée ! ).

Le retour s'est fait dans un silence religieux, attendu que nombre d'entre nous ont fermé pieusement les yeux pour une sieste réparatrice. Décidément, le grand air nous fait de l'effet !

Arrivés en avance au Centre de Détention, nous restons dans le bus pour un temps de prière et de remerciement pour les personnes qui nous ont autorisés à partir et celles qui nous l'ont permis.

17h30, nous franchissons la porte de la prison le cœur rempli d'émotions et de souvenirs.

« Tout pour Jésus; tout par Marie », le résultat dépasse largement nos espérances.